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S’initier à la poésie et au récit en écrivant une carte postale – Atelier d’écriture

Publié le 22 décembre 2023

Par Marie-Françoise Roger

La carte postale a constitué pour les poètes des années 1910, 1920 et 1930 le modèle d’une poésie adressée. Elle a joué un rôle important dans le développement d’un lyrisme moderne et visuel qui privilégie les textes courts. Elle devient avec Perec un jeu d’écriture.

Cartes de poètes
Carco en 1910 publie un double poème intitulé « Cartes postales », voici le premier :
De Bayonne où je vous écris,
Mon cher Tristan Derême,
Combien je regrette Paris
Et ma chambre au bord de la Seine !
L’Adour a beau porter entre ses quais noircis
Un flot que la mer a grossi
Et l’appel lointain des sirènes !
Je crois encore ouïr le cri
Rauque et plaintif sous un ciel gris
Des petits remorqueurs qui remontent la Seine !

Francis Carco, « Cartes postales »,
Anthologie de la nouvelle poésie française, 1924.

Apollinaire reprend ce format de la carte postale dans une lettres à Yvonne de 1903 :
Les lilas mi-fleuris sont déjà parfumés
Des lanternes au loin semblent des yeux aimés
Ô mon âme amoureuse aujourd’hui tu
défailles
Au parc crépusculaire et mouillé de Versailles

Cendrars définit ainsi son recueil Feuilles de route, paru en 1924 : « Ce sont des cartes postales que j’envoyais à mes amis, que je destinais à mes amis… ». Les noms des poèmes sont en général des noms de lieux (« En vue du Cap Blanc », « Dakar », etc.). La description reprend les stéréotypes de la carte postale : « La mer est comme un ciel bleu bleu bleu » et se fait parfois ironique, comme dans « Clair de lune » :
On tangue on tangue sur le bateau
La lune la lune fait des cercles dans l’eau
Dans le ciel c’est le mât qui fait des
cercles
Et désigne toutes les étoiles du doigt
Une jeune Argentine accoudée au bastin
gage
Rêve à Paris en contemplant les phares
qui dessinent la côte de France
Rêve à Paris qu’elle ne connaît qu’à
peine et qu’elle regrette déjà
Ces feux tournants fixes doubles colorés
à éclipses lui rappellent ceux qu’elle
voyait de sa fenêtre d’hôtel sur les
Boulevards et lui promettent un
prompt retour
Elle rêve de revenir bientôt en France et
d’habiter Paris
Le bruit de ma machine à écrire
l’empêche de mener son rêve
jusqu’au bout
Ma belle machine à écrire qui sonne au
bout de chaque ligne et qui est
aussi rapide qu’un jazz
Ma belle machine à écrire qui
m’empêche de rêver à bâbord
comme à tribord
Et qui me fait suivre jusqu’au bout
une idée
Mon idée

Blaise Cendras, « Clair de lune »,
Feuilles de route, Denoël, 1924.

Perec a imaginé un générateur de cartes postales et en a créé 243, dont celle-ci :
Vacances à Narbonne. Calme divin, cassoulet
maison. Un peu de pétanque pour garder
la ligne. Baisers.

Georges Perec, « 243 cartes postales en
couleurs véritables », L’Infra-ordinaire, Seuil

Produire une carte postale et la faire circuler
1er temps : On suggère aux élèves de créer leur propre carte postale (collage, dessin), puis d’écrire un texte adressé à un camarade tiré au sort. Celui qui envoie la carte imagine un lieu et un temps de vacances et respecte les contraintes : une formule pour commencer, une autre pour finir, quelques phrases courtes qui définissent l’endroit où il se trouve, le moment de la journée, la météo, et donnent des indications sur ce qu’il voit ou entend autour de lui, ses activités actuelles ou prochaines, la satisfaction ou la déception ressentie. Chacun peut, s’il le veut, s’essayer à la poésie (rythme, rimes, images).
2e temps : Chacun ajoute dans le texte de la carte une allusion (détail, rencontre, événement) mystérieuse qui ne peut être comprise que par le destinataire et son destinateur.
3e temps : Le destinataire déchiffre la carte, essaie d’élucider l’allusion mystérieuse : à partir des données de la carte postale, il construit sa version de l’histoire dans un récit ou une lettre de réponse.