Actualités culturelles

Écrire sur la photographie

Publié le 1 décembre 2021

Par Marie-Françoise Roger

C’est un agent immobilier, John Maloof, qui, en 2007, retrouve la trace de Vivian Maier (1926-2009), nourrice qui toute sa vie multiplia les clichés de rue sans jamais dévoiler de son vivant sa production artistique. Il rencontre les enfants qu’elle a gardés et qui se sont occupés d’elle à la fin de sa vie. La nounou, autodidacte, passait ses jours à photographier Chicago, son Rolleiflex autour du cou. Un travail d’artiste.

© Estate of Vivian Maier, Courtesy of Maloof Collection and Howard Greenberg Gallery, NY

Une découverte miraculeuse
Chicago, fin 2007, John Maloof, âgé de 25 ans, songe à écrire un livre sur le quartier de Portage Park. Pour illustrer l’ouvrage, il chine dans une salle de ventes un énorme lot de photos d’époque : plus de 30 000 négatifs, des dizaines de rouleaux de pellicules. Les photos sont belles, inhabituelles. Il y a, par exemple, ces portraits d’enfants noirs et blancs jouant ensemble alors que les temps étaient plutôt à la ségrégation. Des pauvres, des marginaux photographiés tels des rois.

La photographie, un moyen d’appréhender le réel
Toute photographie est un regard sur le monde, révèle un secret, un détail que l’on n’aurait peut-être pas vu. Les photos d’enfants de Vivian Maier évoquent celles d’Helen Lewitt (1913 2009), ses portraits cruels de la bourgeoisie rappellent ceux de Diane Arbus (1923-1971). On pense aussi à Weegee (1899-1958) pour les images des bas-fonds, à Robert Frank pour les cadrages inattendus ou les photos « bougées » (Les Américains, 1958). Les photos de pieds de passants ou les jeux de reflets dans les vitrines renvoient, quant à eux, au travail de Lisette Model (1901-1983). En somme, « son style fait le lien entre la photographie humaniste française et la photographie américaine des années 1955-1960, qui préfère montrer les êtres avec leurs failles et leurs faiblesses plutôt que de les idéaliser. Elle embrasse tous les sujets, tous les genres : natures mortes, paysages, portraits, autoportraits, dans lesquels elle se dévoile à peine, corps androgyne, visage chapeauté, refusant toute forme de séduction »1.

La photographie, point de jonction entre réel et hasard
Dans son livre La Chambre claire, Roland Barthes distingue deux façons d’approcher la photographie : ce qu’il appelle le studium : « C’est par le studium que je m’intéresse à beaucoup de photographies, soit que je les reçoive comme des témoignages politiques, soit que je les goûte comme de bons tableaux historiques : car c’est culturellement (cette connotation est présente dans le studium ) que je participe aux figures, aux mines, aux gestes, aux décors, aux actions.» Le « second élément qui vient déranger le studium, je l’appellerai donc punctum ; car punctum, c’est aussi : piqûre, petit trou, petite tache, petite coupure – et aussi coup de dés. Le punctum d’une photo, c’est aussi ce hasard qui, en elle, me point (mais aussi me meurtrit, me poigne).» 2.

S’exercer
En s’aidant des réflexions de Roland Barthes, ou de Georges Didi-Uberman dans Aperçues,3 on invite les élèves à regarder quelques-unes des photos de rues de Vivian Maier. Beaucoup de ses photos sont disponibles en ligne sur le site « vivianmaier.com ». On peut également en observer un certain nombre au Musée du Luxembourg, lors d’une exposition hommage, du 15 septembre 2021 au 16 janvier 2022.

Chaque élève choisit une ou deux photographies, décrit objectivement ce qu’il voit sur l’image, ce qu’il pense comprendre de ce qui se voit sur l’image, ce qu’elle révèle d’une époque ou d’un lieu. Il réfléchit également à la signification générale ou symbolique de l’image, en esquisse une interprétation imaginaire, humoristique, poétique. Il peut, en dernier lieu, se demander quel lien personnel il établit avec l’image, quel écho elle déclenche en lui.

  1. 1 Télérama, 30 avril 2011.
  2. 2Roland Barthes, La Chambre claire, Gallimard, 1980.
  3. 3Georges Didi-Huberman, Aperçues, éd. De Minuit, 2018.

RESSOURCES LEXICALES POUR CET EXERCICE

De mots pour décrire
Hauteur de l’œil, plongée, contreplongée, plan d’ensemble, plan moyen, gros-plan, premier plan, arrière-plan, perspective, ligne de fuite, lumière, exposition, contraste, identifier, distinguer.

Des mots pour fournir une interprétation et rendre compte de ses émotions
Représenter, évoquer, traduire, déduire, métaphore, symbole, réaliste, fantastique, tonalité, message, effet produit, sentiment, point de vue, émouvoir, faire rire, informer, raconter, expliquer.