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Mieux connaître l’histoire de l’esclavage : le travail de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage

Publié le 18 septembre 2024

Par Gaspard Jolly et Armand Kadivar

L’esclavage a été aboli en France en 1848 et, en 2001, la justice française a fait de la traite négrière un crime contre l’humanité. Une telle action politique, inédite alors, s’est accompagnée de diverses mesures mémorielles visant à perpétuer le souvenir de cette Histoire. La Fondation pour la mémoire de l’esclavage s’inscrit dans ce sillage en organisant chaque année un concours national pour les classes du CM1 à la Terminale.

Un nouveau régime mémoriel

Dès les années 1960, un mouvement populaire se développe dans les Outre-mer pour faire reconnaître la mémoire des esclaves et de leurs descendants. Porté par les artistes et les intellectuels, soutenu par les collectivités locales et relayé par des initiatives internationales, ce mouvement a pris une ampleur nationale. Ainsi, la loi du 30 juin 1983 fait du 10 et du 23 mai des journées nationales en mémoire de l’esclavage et de ses victimes. Elle fixe également des jours fériés célébrant l’abolition dans les territoires français qui ont connu l’esclavage : le 27 avril à Mayotte, le 22 mai en Martinique, le 27 mai en Guadeloupe, le 28 mai à Saint-Martin, le 10 juin en Guyane, le 9 octobre à Saint Barthélemy, et le 20 décembre à La Réunion. Le 10 mai 2001 est votée la proposition de loi de Christiane Taubira par laquelle la France reconnaît la traite et l’esclavage coloniaux comme crimes contre l’humanité : c’est le premier pays à effectuer une telle déclaration, signe d’un changement de paradigme mémoriel, d’un récit national plus juste et plus ouvert. Cette loi, dite « loi Taubira », inscrit également le sujet de l’esclavage dans les différents programmes scolaires.

Extrait du discours de Christiane Taubira (alors députée de la Guyane), le 18 février 1999, lors de la proposition de loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité :
« Cette inscription dans la loi, cette parole forte, sans ambiguïté, cette parole officielle et durable constitue une réparation symbolique, la première et sans doute la plus puissante de toutes. Mais elle induit une réparation politique en prenant en considération les fondements inégalitaires des sociétés d’Outre-mer liées à l’esclavage, notamment aux indemnisations en faveur des colons qui ont suivi l’abolition. Elle suppose également une réparation morale qui propulse en pleine lumière la chaîne de refus qui a été tissée par ceux qui ont résisté en Afrique, par les marrons qui ont conduit les formes de résistance dans toutes les colonies, par les villageois et les ouvriers français, par le combat politique et l’action des philosophes et des abolitionnistes. Elle suppose que cette réparation conjugue les efforts accomplis pour déraciner le racisme, pour dégager les racines des affrontements ethniques, pour affronter les injustices fabriquées. Elle suppose une réparation culturelle, notamment par la réhabilitation des lieux de mémoire. »

La Fondation pour la mémoire de l’esclavage

Le 13 novembre 2019 naît la Fondation pour la mémoire de l’esclavage (FME), appelée de ses vœux par François Hollande et mise en place sous la présidence d’Emmanuel Macron. Que ce soit à travers des expositions, des conférences, des soirées, ou des publications sur les réseaux sociaux (Instagram, TikTok ou YouTube), la FME a pour mission de raconter, de décrire, de dénoncer, de dialoguer, de discuter et de débattre autour de l’histoire de l’esclavage, principalement en francophonie. La Fondation permet à tous de comprendre les enjeux liés à l’esclavage à travers des films, des ouvrages, des portraits et des collections. L’organisme propose également un dossier fourni sur Napoléon, figure historique controversée, à l’origine du rétablissement de l’esclavage en 1802, après son abolition le 4 février 1794 par la Convention nationale sous la Première République. En outre, dans le souci de promouvoir une recherche française pionnière et pluridisciplinaire d’excellence sur les esclavages et leurs héritages, la FME a lancé, avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR) et du CNRS, la préparation d’un livre blanc sur les thématiques de l’esclavage. « La Fondation pour la mémoire de l’esclavage est une institution pour la France d’aujourd’hui. Parce que la connaissance du passé nous aide à comprendre le présent. Parce que les cultures issues de cette histoire sont des richesses. Parce que, pour lutter contre les discriminations, le racisme et toutes les formes d’atteintes à la dignité humaine, il faut savoir d’où elles viennent. » scande Jean Marc Ayrault, président de la Fondation.

 

La Flamme de l’égalité

Les ministères chargés de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, de la Citoyenneté, des Outre-mer, de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) et la Fondation pour la mémoire de l’esclavage s’associent chaque année dans le cadre d’un concours permettant aux élèves du primaire et du secondaire d’élaborer un projet de classe sur un thème donné autour de l’histoire de l’esclavage.
Ce concours national distingue trois catégories différentes : l’école élémentaire, le collège et le lycée. Les élèves présentent après plusieurs mois de travail un rendu sur le thème annuel, celui pour l’année 2023-2024 ayant été « Résister à l’esclavage : survivre, s’opposer, se révolter ». La mise en forme du projet est libre : récit, documentaire audiovisuel, projet artistique, physique ou numérique…
Une présélection est opérée au niveau des académies et, pour la finale, un jury national désigne au mois d’avril, dans chacune des trois catégories, un lauréat ainsi que d’éventuelles mentions spéciales.
Par exemple, les élèves de 4e du collège Alfred de Vigny à Courbevoie, lauréats en 2023, ont produit un livre numérique proposant de suivre les parcours de vie de trois personnages fictifs mis en esclavage : Baolo, l’homme, Aïsha, la femme, et Malik, l’enfant. À partir de leurs captures, les choix du lecteur amènent à différents destins. Le projet, pluridisciplinaire, fait appel à un riche travail historique, des connaissances géographiques, des compétences linguistiques et une création artistique originale. Quant aux élèves de 1re du lycée Raynouard, également lauréats, ils ont réalisé une carte interactive de l’habitation Cassagniard, située sur l’île de Saint-Domingue. À partir du document découvert aux Archives nationales d’outre-mer, la classe a donné vie au plan de l’habitation en proposant divers documents originaux (chants, dialogues, recettes, schémas explicatifs, données de production, lettres, etc.) afin d’appréhender les différents espaces de vie et de travail d’une plantation sucrière.
À travers ce concours, les différents organisateurs s’attendent à ce que les élèves fournissent un travail d’étude, d’analyse et d’interprétation des faits historiques, des acteurs et des archives pour alimenter au mieux leur projet. Les compétences développées et acquises dans le cadre de la Flamme de l’égalité sont précieuses sur le plan scolaire et extrascolaire. En effet, les élèves approfondissent leurs connaissances et leur compréhension de l’esclavage et de ses effets pour prendre conscience, in fine, de l’importance qu’il y a à préserver la dignité humaine et, pour cela, à agir en citoyens libres et égaux.

Site de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage
Site du concours Concours «La Flamme de l’égalité»